Te souviens-tu d’eux ? Deux êtres particulièrement odieux, qui se croyaient tout permis. Ils ont toujours voulu profiter éternellement du plaisir de la vie, sans jamais assumer les conséquences. Il faut croire qu’un jour, tout bonheur à sa fin, enfin, le tien …
C’était un jour de pluie, où tout le monde préférait vaquer dans ses occupations à l’intérieur. Cependant, ce n’était pas la même chose pour Infâme et Fougueux. Licorne et Pégase étant rarement amis, ces deux-là, aussi mesquins furent-ils, étaient inséparables. Ils traînaient ensemble dans les terres libres, comme deux vagabonds totalement soumis par l’amour. Totalement ? Je ne crois pas, car leur irresponsabilité prenait toujours le dessus. Autant que lorsqu’ils s’accouplèrent pour le plaisir – bien sûr, car Infâme n’était pas fertile- ils ne pensaient pas qu’un poulain naîtrait de cette odieuse distraction. Lorsque après quelques mois la licorne sentit qu’elle était pleine, elle ne dit rien à son compagnon et prétexta grossir par faute de manger trop. Sans trop savoir de qui, une rumeur appris à Fougueux que sa compagne allait mettre bas prochainement, ce qui le choqua énormément. Il alla rencontrer Infâme qui dut lui avouer qu’on s’était trompé sur son compte et qu’elle était effectivement pleine. Ils se séparèrent le temps de savoir à qui était la faute et ce qu’Infâme ferait du poulain.
À ta naissance, tu étais déjà bien bâtie contrairement à ta sœur. Le pégase mâle vous regardait avec dégoût alors que la licorne … Elle n’en savait rien, apparemment. Ils conclurent un accord que jamais plus ils ne reverraient ces deux petites bêtes qu’ils avaient conçus. Infâme se laissa amadouer par amour, malheureusement. Aussitôt d’accord, Fougueux ramassa avec haine les deux paquets pour les installer sur son dos et galopa tranquillement dans un coin sombre de la forêt et les déposa pour ne plus jamais revenir. Un vieux poney qui avait entendu l’étalon venir ramassa les pouliches et les conduits à sa demeure, là où bien des choses se produiront.
Perséphone et Athéna, voilà comment il vous avait appelées. Déesse des Enfers et de la beauté, cela vous convenait parfaitement. Une jument qui s’était jointe à vous un peu plus tard s’amusait à t’appeler Black Beauty, surnom souvent repris par ta sœur. À vrai dire, vous étiez deux contraires totaux. Toi, la fougueuse licorne ailée, et elle, la charmante pouliche. Apparemment, tu avais hérité de tous les avantages magiques de la famille, sauf peut-être pour ce qui est de la couleur. Elle, blanche et or, toi noire aux reflets variés. Enfin, ne nous attardons pas sur les détails. Tout cela pour dire que malgré vos caractères totalement différents, vous vous aimiez plus que tout.
Mais puisque toute bonne chose à une fin, il faut des morts dans chaque histoire. La tienne n’y échappe guère. Depuis quelques mois déjà, ta sœur et toi fouliez le sol des vastes plaines des territoires libres, étant donné que tu ne pouvais aller nulle part ailleurs avec elle. Elle développa un peu chaque jour une maladie inconnue, à laquelle tu ne pouvais rien changer. Par pitié et par amour pour elle, tu dû la reconduire dans les terres spécialement conçues pour les chevaux et vous faîtes vos adieux en pleurant. Tu ne sais plus rien d’elle aujourd’hui, morte ou pas.
C’est après cet évènement que tu recommenças à fréquenter les lieux pour pégases. Tu priorisais toujours tes ailes, ces précieuses alliées. Lorsque tu vagabondais avec ta sœur, tu partais chaque nuit en promenade céleste, rencontrant parfois quelques pégases éloignés. Même qu’un jour, tu vis ton père, le seul et l’unique. Un seul regard et tu le détestais plus qu’autrefois. Malgré l’étincelle de fierté devant la puissante bête que tu étais devenue, il semblait heureux de s’être débarrassé d’une telle charge. Une charge détestable, tout compte fait. Tu n’étais pas plus sociable qu’avant malgré les lieux que tu fréquentais, et à vrai dire, pour avoir passé beaucoup de temps chez les licornes, tu les préférais souvent. Plus chaleureuses et aimables, tu avais réussi à en apprécier certaines, alors que chez les pégases, tout ceux que tu avais rencontré jusqu’alors n’étaient que des frimeurs.
Encore aujourd’hui, tu te balades sur plusieurs territoires, vagabonde et fougueuse comme toujours. Qui sait si un étalon parviendra un jour à voler ton cœur au grand galop ?